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Voyage nocturne

Najati Al-Bukhari

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Mes souvenirs sombres remontent, comme des images vivantes et pleines d’animation et de vitalité, à ce lit métallique de la mort sur lequel ma mère s’étendait paisiblement pour plusieurs mois, après l’opération dans l’hôpital de la Sainteté depuis neuf mois, en attendant avec peu d’inquiétude le coup fatal du destin.

Là-bas ma mère donnait le dernier souffle dans sa vie et là-bas dans la chambre sombre et mélancolique je poussais tout soudain le cri assourdissant en disant, « ma mère ne me laissez pas seul. »

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Tout à coup, je suis devenu seul dans la chambre maudite et détestable car ma mère n’était plus avec moi. Quelle expérience douloureuse et quel sentiment pénible ce qui j’ai éprouvé comme si le jour du dernier jugement se présentait, non pas pour ma mère, mais pour moi.

Cette chambre mystérieuse et ésotérique me semblait un champ de bataille dans lequel j’étais le seul combattant, le seul cavalier qui menait une guerre horrible contre un monstre invisible et absolument imperceptible qui voulait injustement dévorer les innocents. Je me dis que c’était la fin de la bataille, une longue bataille dans laquelle j’ai perdu à jamais ma mère.

Je me souviens très bien qu’après mon cri qui retentissait dans la chambre et dans le voisinage de chez nous, je m’écartais lentement peu de pas du lit de ma mère. Puis je m’attachais à mon siège jusqu’à ce que le dos se fût complètement collé au dossier du fauteuil.

Les yeux de ma mère me regardaient mais privés du lustre qui brillait peu de temps avant. Puis je me mettais debout près du fauteuil sans bouger et ne sachant quoi faire. En effet, pour peu d’instants je pensais que la chambre n’était qu’un abysse au fond de laquelle je m’étais plongé sans espoir.

Tous, qui auparavant s’échappaient de la peste qui frappa ma mère, étaient venues sans retard après la nouvelle de la mort de ma mère se répandait dans les quartiers de la Cité. Il me semble que toutes les proches attendaient patiemment que la mort de ma mère soit annoncée. Ils sont venus chez nous dès qu’ils savaient, avec certitude, que ma mère était déjà morte et qu’elle sera le plus tôt possible enterrée dans le cimetière de la Cité.

Après leur arrivée chez nous ils occupaient presque toutes les pièces de la maison. Cependant, personne ne venait à la chambre de ma mère. Au contraire, un parmi eux passait par la porte de la chambre et l’avait fermée comme si je n’étais pas à l’intérieur de la pièce où ma mère était étendue sur le lit.

Tous qui sont arrivés après le décès de ma mère, étaient à vrai dire comme des spectateurs et des spectatrices qui venaient à la maison de la famille pour assister à une pièce de théâtre dont l’héroïne, ma mère, n’était plus en vie.

Les spectateurs étaient les frères, les soeurs, mon père et le peu de parents et de voisines. Quant à notre voisine méchante et malveillante de soixante dix ans et qui habitait solitaire un foyer à la fin de notre rue, elle ne cessait pas, pendant les dernières plusieurs années, et depuis ma mère a commencé d’être malade, à surveiller sournoisement et vilement notre maison de loin.

Au passé elle n’était jamais venue chez nous, mais elle, des petites fenêtres de chez elle, nous regardaient de chez elle, presque tout le temps. Chaque membre de ma famille ne s’échappait pas les yeux envieux de notre voisine maudite.

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La voisine entendait catégoriquement mes cris après la mort de ma mère. Elle surveillait, des fenêtres de chez elle, notre maison en deuil.

Enfin, et après quelque temps, cette femme méchante se rendait précipitamment mais discrètement chez nous et s’esquissait la tristesse mensongère sur son visage laid et affreux. Elle parlait avec certains membres de la famille. Actuellement elle a parti dès qu’elle était certaine qui ma mère n’était plus vivante et que la préparation finale pour son enterrement était déjà commencée.

Puis un moment était venu quand tout le monde présent dans la maison réalisait qu’il devait absolument entrer dans la chambre de ma mère pour jeter un coup d’oeil sur la défunte. A l’intérieure tous les spectateurs, les membres de la famille, se tenait debout autour de lit de ma mère en silence sinistre et hideux, les yeux bien ouverts et complètement secs sans aucune larme s’écoulant et la bouche bée.

De temps en temps, quelqu’un chuchotait quelques mots à son voisin. En témoignant ce qui se déroulait devant moi, je me dis quel comportement honteux et indigne.

Après une observation de près qui ne durait que peu d’instants, leur visage pétrifié ne donnait aucun geste d’angoisse ou de douleur, personne ne s’en approchait pour la toucher, tout le monde la regardait. Tout soudain les spectateurs et les spectatrices se retiraient pour quelque distance du lit de la mère morte. Pourtant, ils restaient encerclant le lit.

Un parmi les spectateurs toussait plus qu’une fois, un autre crachait en toussant, encore un autre éclaircissait la george. On s’avançait un ou deux pas vers le lit. Puis on se retirait, sans faire ensuite rien.

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Tout à coup les spectateurs se parlaient et ils faisaient encore peu de pas en arrière pour jeter un coup d’oeil sur moi. Il était évident que je pleurais en m’asseyant dans le fauteuil. Il me semble que tous ces gens étranges et bizarres entendaient mes gémissements. On a toussé une fois encore et on a craché en toussant.

Au milieu de ce comportement étrange et inexplicable de la part des membres de la famille, je poussais mon siège en arrière pour éviter être touché par les jets de la salive de leur crachement.

On a parlé à l’oreille d’un autre spectateur dans une voix très basse. Ils enlevaient le corps de ma mère pour le mettre exactement au milieu du lit. Peut-être eut-elle bougé un peu avant sa mort.

Quelle surprise absolument inattendue et étonnante. De liquide à la couleur jaune foncée se jaillissait en abondance de la bouche de ma mère qui écoulait sur le sol et sur les draps blancs qui l’enveloppaient. Bien entendu, le corps de ma mère fut bloqué partout par le monstre sauf la bouche.

Pour plusieurs jours, ma mère but du liquide, surtout du lait et de l’eau, sans pouvoir s’en débarrasser. En voyant cette jarre, qui était ma mère vivante il y avait quelque temps, versant le liquide de son goulot, tous les gens se regardaient ahuris et abasourdis devant ces vagues du liquide qui venaient de la profondeur de ma mère.

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On toussait, on crachait et on a fait des ris supprimés mais visiblement sarcastiques.

Puis un après l’autre, les spectateurs, tournaient leur dos à ma mère après ils m’ont dévisagé longuement et ils sortaient de la chambre.

Par la fenêtre je réalisais que la voisine de loin au bout de la rue me regardait méchamment de la fenêtre de chez elle.

Quant à moi je restais seul en compagnie de ma mère. Je pleurais, je pleurais, et ma mère morte sur son lit ne pouvait plus me donner ni un sourire ni une goutte de larme.

Ma solitude ne dura que peu de temps. La porte de la chambre abruptement s’ouvrit, trois ou quatre femmes d’un âge avancé que je n’avais jamais vues dans ma vie, ni dans notre quartier, ni dans la ville, entraient scrupuleusement. Deux parmi les quatre étaient voilées et toutes portaient des robes noires.

Toutes me semblaient presque sans âge. En entrant dans la chambre, elles dirent dans une voix basse, comme si elles murmuraient et se chuchotaient, quelques mots, quelques phrases sans me regarder. En effet, elles se comportaient dans une façon très étrange, leurs yeux sans lustre, sans vie, leur visage pâle qui n’inspirait que la mort. Elles se conduisaient dans la chambre comme si elles étaient dans leur royaume, celui de la mort.

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Plus tard on m’a informé que ces femmes énigmatiques et mystérieuses ne se présentaient dans les ruelles du quartier que quand quelqu’une était morte. Leur apparition donnait la peur et l’horreur. Personne dans la ville ne savait où elles habitaient, d’où elles venaient. Elles se rendaient chez quelqu’un qui était morte. Leur rendez-vous était toujours avec la mort. Quant à moi je ne les avais jamais vues et quand je les avais témoignées dans la chambre j’avais le sentiment vague et indéterminé que deux des femmes voilées appartenaient à notre quartier.

A ce temps-là, quand les quatre femmes voilées entraient, je m’accroupis sur le sol dans un coin sombre de la chambre, aveuglé par mes larmes, ne pouvant voir clairement ce qui se passait autour de moi. J’ai déjà abandonné le fauteuil qui restait désormais vide tout le temps.

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Dans le coin sombre je m’imaginais que j’étais submergé dans les ténèbres et que j’étais en train de perdre mon pouvoir de raisonnement. Tout autour de moi, je croyais, n’était qu’un monde énigmatique et irréel et que la mort de ma mère n’était qu’une hallucination dont je souffrais à ce moment-là de ma vie.

Les quatre femmes se dirigeaient vers le lit de ma mère, l’enlevaient de son lit, la portaient au dehors de la chambre vers une autre pièce où l’attendait une vieille dame dont le métier était de laver les mortes. Dans cette autre chambre, qui était assez grande pour faire des rituels religieux compliqués, tous les préparatifs étaient faits.

On a porté une table rectangulaire de la mosquée du quartier pour laver les morts. L’eau bouillante dans une grande quantité et le savon, tous selon notre traditions, était apportée à la chambre.

Ma mère sans vie était placée sur la table, dévêtue aussitôt de tout son vêtement. La femme laveuse commençait à faire le premier rituel. Tous les membres et les parties du corps humain, qui normalement les adeptes de notre religion doivent laver avant chaque des cinq prières, étaient lavés. On lui coupait les ongles des doigts et des orteils. Après cela tout le corps était lavé.

Avant cela, on a préparé les vêtements que ma mère portera pour sa vie éternelle, quatre ou cinq pièces de tissu blancs. On enveloppa ma mère dans ces draps mortuaires, on l’aspergea de l’eau de fleurs et du parfum, on y répandait en abondance la poudre de hennie, on lui lia les deux astragales, on lia le bout du linceul sur la tête, on lui croisa les bras sur la poitrine, on lui laissa une petite ouverture, une brèche, pour que le visage de ma mère soit visible aux spectateurs et aux consolateurs et consolatrices.

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Tandis que ma mère était lavée et préparée pour la vie éternelle dans la grande pièce, plus des spectateurs et moins de consolateurs étaient venus chez nous, de loin et de près, des femmes plus que des hommes.

Les femmes au moment où elles étaient à l’intérieur de chez nous, se précipitaient vers une chambre où les femmes devaient se rassembler. Quelques-unes s’étaient rendues chez nous par de motivation religieuse, pure et simple, des autres par de sentiments banals, seulement pour assister à la fin de la bataille contre le monstre dans laquelle ma mère et moi-même étaient les seuls combattants.

Ce dernier groupe des femmes venaient pour constater si le monstre était encore vivant ou non. Tandis qu’elles attendaient dans les couloirs et les chambres la fin du lavage de ma mère, elles se regardaient et de temps en temps, elles fixaient les yeux dans le vide comme si elles cherchaient l’inconnu, le monstre qui pouvait être caché quelque part chez nous.

Quelquefois, elles s’apaisaient, se calmaient et elles ne bougeaient pas. Elles restaient où elles étaient pour peu de temps en pensant que ce monstre qui a fini ronger ma mère ne pouvait être que dans la chambre où ma mère était préparée pour son dernier voyage.

De temps en temps, quelques-unes parmi les femmes venaient près de la porte ouverte de la chambre où je me trouvais pour découvrir si le fils fidèle et loyal se tenait encore bien et si le jeune homme qui a tenté à combattre le mal qui frappait sa mère pour plusieurs années était encore sain et sauf.

Car à ces jours-là, il y avait des gens dans notre voisinage, surtout parmi les proches, qui croyaient avec certitude que j’étais frappé par le même monstre et que par contagion je souffrais de la même maladie fatale que celle de ma mère.

Ces femmes, méchantes et malveillantes, parlaient en chuchotant tandis que de bruit bas et quelquefois monotone de l’écoulement de l’eau sur le corps de ma mère venait de la chambre voisine.

De temps à l’autre quelqu’une s’en sortait pour apporter de chose qui la femme laveuse a oublié. Chaque fois cette porte était ouverte, les yeux méchants et envieux s’y dirigeaient instantanément en attendant la sortie du corps de la défunte de la chambre.

Le problème de la nature contagieuse de la maladie de ma mère était la source de peur et même de panique parmi les gens simples de la communauté. Personne ne s’approchait d’une victime de cette maladie.

Quant à moi, au cours de la maladie de ma mère j’ai fait la lecture intense de beaucoup de littérature scientifique à propos de cette maladie mystérieuse. Même, j’étais absolument sûr que la maladie n’était pas contagieuse.

Malheureusement, ma mère, à l’instar des gens simples, plus ou moins, croyait que sa maladie était sérieusement contagieuse. A vrai dire, ma mère n’avait jamais prononcé le nom médical et scientifique des sa maladie bien qu’elle connaissait à partir d’une certaine phase de sa maladie son nom.

Aux derniers jours de sa vie où elle souffrait d’une solitude et d’isolement forcé, je commençais à partager avec elle ses repos et souvent je me reposais près d’elle pour la convaincre qu’elle n’était pas de tout la source du désastre à qui que ce soit.

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Je n’avais pas assisté à cette partie des rituels religieux, le lavage de la morte, car elle était exclusivement limitée pour les femmes. Cependant, je connaissais ce qui se déroulait à l’intérieur de la chambre à cause de mes expériences de l’enfance à ce domaine-là de la vie humaine.

Jadis, quand la Cité fut presque un village de quelques quartiers, j’avais l’habitude d’assister, de temps à l’autre, à ces rituels quand un membre de notre quartier ou de la Cité, en générale, était trépassé. Bien que je fusse petit, je m’intéressais à savoir et a surveiller ce qui se passait pour préparer le défunt pour faire face la vie éternelle, pour le voyage de cette vie mortelle à l’autre l’immortelle où l’on vivra éternellement dans le paradis.

Même, souvent, j’avais l’habitude de visiter le cimetière au soir ou au début de la nuit pour constater que la tombe du défunt qui était enseveli à midi était encore là au fond de son tombeau.

Je me souviens du martyr d’une famille très connue dans la Cité qui était tué dans la Terre Sainte au cours des années trente et qui n’était pas lavé, conformément à notre tradition.

Une autre fois un homme fut trépassé tout soudain à l’âge de quarante ans, à cause d’une crise cardiaque. Selon notre tradition le défunt était enterré au même jour. Quoi qu’il en soit, on ne croyait pas qu’il était mort. Plusieurs membres de sa famille restaient en garde dans le cimetière près de la tombe pour trois nuits consécutives.

Bien que je fusse de l’âge de moins de six ans, j’assistais à une partie de l’attente et da la surveillance de la famille dans la nuit en attendant que le mort se ressuscite.

Je me tenais obstinément accroupi dans le coin sombre sur le sol en regardant le lit vide de ma mère pendant qu’elle était dans l’autre chambre aux mains de la laveuse.

Dans mon esprit il n’y avait que la tristesse et le chagrin. Mes yeux se fermaient fréquemment malgré moi. Je jetais des coups d’oeil partout à l’exception la fenêtre de peur de ne voir de loin, au bout de la rue, malgré moi, le visage de notre voisine maudite en nous surveillant de loin.

La porte de la chambre s’ouvrit, et les mêmes quatre femmes qui l’emmenaient à la laveuse entraient dans la chambre et ma mère avec sur les bras.

O! Quel moment inoubliable de ma vie, l’odeur de la poudre de hennie se répandait dans la chambre, ma mère était enveloppée dans son suaire tout blanc, rien n’était visible que son visage plombé sans vie, ses yeux fermés, sa bouche un peu ouverte, et le coton emplit tous les orifices de son corps.

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Son grain de beauté à côté gauche de son nez, qui me fascinait toujours, était là, un peu amaigri à cause de l’échappement de la vie de son visage. Des chevaux épars gris étaient visibles au bord de sa tempe droite et peut-être de la tempe gauche.

Ma mère, déjà morte, dans son suaire, me semblait comme une colombe en train de voler d’une branche fortement verte vers le ciel infini, un bel oiseau aux ailes qui se mettaient à s’agiter en préparation pour le vol final et éternel. Le lit, le sien, me semblait comme un nid qui sera vide après peu de temps.

Je me mis debout avec hésitation, car je sentais la fatigue et j’avais besoin de me reposer sur le sol dans la chambre. Toutefois, ma solitude avec la dépouille mortelle de ma mère n’était pas respectée. Je voulais être seul avec elle dans cette pièce que je considérais comme pleine des ténèbres le moment ma mère était morte.

Peut-être, me dis-je, voulait-elle me dire de chose et me poser certaines questions. Bien que montre j’avais le sentiment qu’elle voulait me confier de secrets.

Des gens entraient mollement dans la chambre dont la plupart étaient des femmes et très peu d’hommes comme mon père et mon demi-frère qui n’avait jamais aimé ma mère et qui était perpétuellement prêt à l’attaquer par n’importe quelle arme.

Tous ces gens avaient l’intention de jeter le dernier coup d’oeil sur la mère, chez elle. Certains parmi ces gens s’arrêtaient pour peu de temps quand ils étaient en train de sortir. Je les avais observés scrupuleusement, pas un seul membre de ce groupe n’a versé une seule larme.

Puis un nombre limité des chaises étaient apportées à la chambre. Mon père et peu d’autres membres de la famille étaient entrés à la chambre encore une fois. A ce moment-là j’avais envie de fumer une cigarette. A cette époque de ma vie j’ai fumé plus que normal. De plus, ce n’était pas dans la tradition, comme je l’avais interprétée, de fumer en la présence de mort. De plus, mon père était là-bas assis dans son siège et se tenait en silence et ne voulait parler avec personne. Il était pensif et quelquefois il fronçait les sourcils quand il se rappelait la maladie et la mort de ma mère.

Bien que j’eusse presque vingt sept ans où plus je n’avais jamais osé fumer dans la présence de mon père. Même, je me souviens que je n’avais pas rasé devant lui et de n’avoir pas marché à son côté quand je l’accompagnais. A vrai dire, je me tenais peu de pas derrière lui.

Enfin, et pour la première fois dans ma vie je sortis le paquet de cigarettes, regardais le visage de mon père et j’ai décidé de rompre la tradition sacrée, au moins, la mienne, parce que personne dans notre communauté ne se comportait comme moi dans la présence du père.

Toutefois, pour cacher mon crime je me cachais derrière le battant de la porte de la chambre. J’allumais la cigarette en tremblant, pris hâtivement et en panique, trois ou quatre bouffées, puis j’éteignis la cigarette dans un cendrier.

Car à ce moment-là les mêmes quatre femmes mystérieuses entraient dans la chambre en récitant des versets de notre Livre Sacré. Elles portaient ma mère au salon où on a apporté le cercueil et elles la mirent dans cette caisse en bois de forme oblong avec une pièce en bois, comme un bras, au bout de chaque de quatre côtés du cercueil pour faciliter porter la caisse dans laquelle se trouvait la dépouille mortelle de ma mère.

Sur la bière, où ma mère était déjà placée, on a mis un couvre-lit vert. Plus que quatre hommes portaient le cercueil au dehors de chez nous.

Tous les hommes se rassemblaient déjà à l’extérieur de la maison. Les femmes, selon nos traditions restaient à l’intérieur. En effet, la maison se vidait de tout le monde à l’exception de mes soeurs et des voisines sympathisantes.

La voisine méchante et maudite ne montrait pas. Quand je sortais de la maison je vérifiais si cette voisine était venue chez nous. On m’a informé qu’elle n’était pas pour le moment chez nous. Je sentais apaiser et soulager.

Le cortège funèbre commençait à s’avancer. Au passé il fallait aller au cimetière à pied en marchant toute la route. Au dehors de la maison il y a eu beaucoup de gens, dans la rue, surtout du lycée, des professeurs et des étudiants, dont à ce temps-là j’étais le proviseur.

Quand le cortège s’avançait dans le quartier des fenêtres étaient ouvertes avec des femmes et des jeunes filles épiant la procession avec zèle et curiosité.

Pour ma mère c’était la fin d’une longue histoire de la lutte contre la peste et le monstre. Avec la mort de ma mère cette catégorie des spectatrices avait tourné la dernière page de l’histoire de la maladie de ma mère. Certaines de ces spectatrices et de ces consolatrices récitaient des versets de notre Livre Sacré et se levait leur index comme il est coutume d’agir dans telle citation.

Des autres fenêtres étaient déjà fermées, soit par les vitres soit par les rideaux. Les femmes se cachant derrière ces fenêtres pensaient que le monstre qui a déjà rongé ma mère s’occupait à la recherche d’une nouvelle victime.

Tandis que je marchais dans le cortège devant tout le monde, je jetais des regards vers les jardins des certaines maisons et je remarquais qu’il y avait des gens qui se cachaient au milieu des arbres. Je constatais des têtes et des yeux qui surveillaient la procession funèbre dans laquelle le cercueil de ma mère était porté sur les épaules de quatre personnes ou plus.

Malgré tout, me dis-je, le monstre se retirait du champ de bataille et se cachait je ne savais où dans le quartier en attendant l’ordre du hasard pour attaquer de nouveau des autres victimes.

Quelqu’un marchait à mon côté droit, un professeur de la langue Arabe au lycée dont j’étais le proviseur, en prenant gentiment mon bras dans le sien. Nous marchions vers le séjour éternel de ma mère, le cimetière. Je sentais que nous allions vers l’infini, vers le monde inconnu, vers le commencement de l’autre vie de ma mère.

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Lentement, la procession s’avançait sans barrière vers le cimetière qui se trouvait au bord de la Cité, mais qui devenait plus tard à l’intérieur, puis il était abandonné et on a établi un nouveau cimetière loin de la banlieue de la Cité.

Selon notre tradition, la prière des funérailles devait être faite soit dans une mosquée soit sur place dans le cimetière. Le cercueil fut placé dans une espace assez grande pour faire ce rituel principal et important. Vers la Kibla, la Mecque, vers le sud, tous les gens s’apprêtaient à faire la prière. L’iman, un homme quelconque, présidait la prière. Selon notre tradition cette prière peut être faite par le peu et ne pas tout le monde. Ce rituel ne durait que peu de temps.

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Je me dirigeais vers la fosse oblongue qui était assez profonde pour complètement enseveli la dépouille mortelle de ma mère. Au fond du fossé il y a eu un partie dont les quatre côtés et le plafond était bâti des briques et des pierres.

Cette fosse était comme une petite cellule solide de tous côtés pour permettre au mort quand il sera seul à bouger, et pour être prêt pour répondre, selon notre tradition, aux questions que lui seront posée par les deux anges qui font l’interrogation.

Ma mère était portée jusqu’au bord de la fosse. Plusieurs personnes l’avaient abaissée. On lui relia les bouts des pieds.

On a répandu abondamment de la poudre de hennie partout. On récitait des versets de notre Livre Sacré. On a lui enseigné les réponses nécessaires pour les questions qui seront posées bientôt par les deux anges. Toutes ces étapes des rituels étaient méticuleusement suivies et soigneusement exécutées.

Le grand moment inévitable était venu quand l’on devait jeter le dernier coup d’oeil sur ce qui était ma mère avant de mettre les briques qui servirent comme le plafond pour la petite cellule qui se trouve au fond de la fosse, ou la tombe.

Je m’avançais plus proche du bord de la fosse. J’ai essayé à me tenir debout car j’étais presque en train d’évanouir et de tomber dans la tombe. A ma main droit, il y eu une poignée de terre. Je l’ai jetée sur le cadavre de ma mère, mais en évitant le visage qui était encore visible. « Nous sommes à Dieu et nous retournerons à Lui. » Dis-je selon notre tradition.

De ma famille, j’étais seul près de la tombe et je réalisais que personne de ma famille n’était autour de la tombe. Après une vérification oculaire des consolateurs j’ai vu mon demi-frère loin de l’endroit où je me trouvais. Il avait sur son visage un sourire simple aussi bien que sournois et malin.

Dans la foule j’essayais de découvrir mon père. Je ne pouvais pas le localiser. Mon père, un type de petit homme, je me dis, peut-être était-il je ne savais où parmi la foule.

O! Quel moment inoubliable quand ma mère était enterrée. Car c’était la dernière fois où j’avais vu le visage de ma mère qui luttait héroïquement contre le monstre, la peste, mais qui à la fin de la bataille se cédait à son destin.

Me dis-je que le monstre était encore libre. Sauvagement il attaquera sa prochaine victime. Personne n’aurait pu faire rien. Je regardais ma mère sans vie et lui dis-je dans mon coeur. « Adieu ma mère, adieu victime de l’aveugle destin. Adieu mon amour pur et immortel. J’ai lutté pour vous sauver, mais j’étais sans pouvoir en face du mal qui vous a frappé. Adieu ma mère, dormez vous tranquille dans l’éternité, soyez dans le paradis, adieu ma mère, adieu. ».

Puis très rapidement je récitais dans mon coeur le chapitre de l’Entrée de notre Livre Sacré en disant,

«Au mon de Dieu, le Seigneur des mondes, le Miséricordieux plein de miséricorde, le Maître du Jour du Jugement, c’est Toi que nous adorons, c’est Toi que nous implorons. Conduis-nous vers le droit chemin, le chemin de ceux que tu combles de bienfaits, non de ceux qui t’irritent ni ceux qui t’égarent. ».

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Les dalles étaient placées pour servir comme un toit. On tressait la terre dans le fossé. On mit provisoirement des dalles au-dessus de l’oblong. On mit une pierre tombale, car plus tard on fit le nécessaire pour que cette fosse devînt la tombe de ma mère.

Le répétiteur venait au bord de la tombe et se mit à enseigner ma mère les réponses qu’elle devait donner pour les questions que seront posées par les anges. Il lui dit.

« Fille d’Ibrahim: dis que ton Dieu est Allah, ton prophète est Mohammad, ta religion est l’Islam, ton Livre Sacré est le Coran et ta Kibla est la Kaaba.»

Les membres de la famille et le peu de parents se mirent en ligne à la sortie du cimetière. Moi, j’étais le troisième à gauche, après ma mère et mon demi-frère. Tout le monde nous a offerts la condoléance. Un ami, le professeur de langue Arabe au lycée me dit « ce qui engendre ne mourra pas. ».

Très vite le cimetière si vidait des consolateurs et des membres de la famille. Tous le monde après la fin des obsèques s’en allait chez soit. A ce moment-là le soleil était en train à se coucher derrière l’horizon pour se préparer pour un nouveau jour.

Le crépuscule de ce soir-là, après la fin de l’enterrement de ma mère, était étrange et banal. De chez-moi, sur une des sept collines de la Cité, je l’ai vu extrêmement rouge comme si le soleil était couvert partout du sang.

J’ai entré dans la chambre où avant peu de temps ma mère était sur son lit et de mon fauteuil je la regardais. Je fumais beaucoup de cigarettes et personne ne voulait s’approcher de moi. Car tous les gens savaient très bien le chagrin et la tristesse dans lesquels j’étais noyé.

Tout le monde savait que j’étais un homme vaincu par le mal qui a frappé aveuglement ma mère. Tout le monde savait que j’avais perdu la bataille, tout le monde savait que je désormais serais un homme solitaire et sans espoir.

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